Genève

Anonyme. Collège Calvin vers 1810 © Centre d'Iconographie genevoise. Bibliothèque publique et universitaire, Genève.

Quand Mme Guizot, conduite par son père Bonicel, arrive à Genève avec ses fils en août 1799, la « Rome protestante » compte environ 25 000 habitants, pas beaucoup plus que Nîmes. Les deux villes, pour des raisons principalement religieuses, entretiennent depuis longtemps des rapports étroits, et la famille Guizot se trouve, au bord du Léman, en pays de connaissance et même de cousinage avec les Peschier, Dumas, Laurens, et aussi le célèbre peintre Henriette Rath, dont la fille adoptive, Clémentine, inspira au jeune François un premier sentiment. C’est pour assurer à ses enfants une éducation et une instruction de qualité que leur mère a décidé ce séjour matériellement coûteux, qui dura jusqu’à l’été 1805.

Le trio vit chichement au 3 de la rue Verdaine, mais François tire grand profit de l’enseignement dispensé au collège puis à l’auditoire de philosophie de l’Académie jadis créée par Calvin. Ses professeurs Charles-Antoine Peschier et Pierre Prévost ouvrent son esprit à des lectures et à des réflexions auxquelles il n’aurait jamais accédé dans sa ville natale, et le milieu cosmopolite dans lequel il baigne l’initie aux langues et aux influences étrangères. Il l’écrira en 1859 à un ami genevois : « Genève est mon berceau intellectuel ». Il s’y forgea aussi des amitiés qui l’accompagnèrent toute sa vie, même s’il ne revint à Genève qu’une seule fois, en août 1807, rencontrant à Ouchy Mme de Staël.

Ces riches années d’apprentissage firent de Guizot une sorte de Genevois honoraire, qualité relevée par ses adversaires. Le professeur genevois Auguste de La Rive écrit en 1845 à Tocqueville : « On dit quelquefois à M. Guizot pour l’insulter qu’il est un Genevois, et j’avoue que j’en suis fier. » Trois années plus tard, expulsé de France par la révolution de 1848, Guizot confie à sa vieille amie Henriette Rath : « Bien souvent je me suis dit que, lorsque les mauvais jours viendraient, ce serait à Genève que j’irais chercher sécurité et liberté… J’ai, sur Genève, des souvenirs qui ne me quitteront jamais. » Mais c’est de la banlieue de Londres qu’il écrit cela.