Sitôt entré au gouvernement en août 1830, Guizot se préoccupa d’enraciner le nouveau régime dans la continuité de l’histoire nationale, pour renforcer sa légitimité. A ses yeux, l’histoire pouvait être un puissant agent de cohésion sociale, et alimenter un besoin de fierté collective, en montrant que la France venait de très loin. Ses conceptions et son savoir d’historien, partout reconnus, le plaçaient en bonne position pour développer une sorte de politique du patrimoine, dans l’idée exprimée par lui dès 1828 que « c’est un désordre grave et un grand affaiblissement chez une nation que l’oubli et le dédain du passé. » Dès lors, la gestion de la mémoire nationale devenait une affaire de gouvernement. La première pierre de cette politique fut en octobre 1830 la création obtenue par Guizot ministre de l’Intérieur d’un poste d’inspecteur général des monuments historiques, inexistant jusque là, confié d’abord à un proche, Louis Vitet, puis, en 1834, à Prosper Mérimée. Sa mission, démesurée, était de « parcourir successivement tous les départements de la France, s’assurer sur les lieux de l’importance historique ou du mérite d’art des monuments et recueillir tous les renseignements qui s’y rapportent. » L’action de Guizot en faveur de la conservation et de la connaissance du passé national prit toute son ampleur lorsqu’il devint ministre de l’Instruction publique en octobre 1832, le demeurant jusqu’en avril 1837. Il s’agissait cette fois de rechercher, d’étudier et de publier les documents écrits en tous genres de nature à faire connaître l’histoire de la France depuis ses origines, réputées remonter à Clovis. Ce besoin d’histoire se faisait sentir dans l’opinion depuis une quinzaine d’années. Le 27 juin 1833 avait été ainsi fondée, par un groupe de politiciens libéraux comme Thiers et Molé, des historiens comme Barante et Mignet, des érudits comme Fauriel et Champollion-Figeac, une Société de l’histoire de France, destinée à « populariser l’étude et le goût de notre histoire nationale dans une voie de saine critique, et surtout par la recherche et par l’emploi des documents originaux. » Le patronage de l’historien-ministre Guizot fut sollicité, et son nom placé en tête de la liste des fondateurs. Peut-être avait-il même été à l’origine de l’entreprise, destinée à un public élargi puisque tous les textes étaient assortis d’une traduction. Durant ses vingt-cinq premières années la S.H.F. publia 70 volumes, dont, à partir de 1841, les cinq tomes des procès de Jeanne d’Arc, aujourd’hui encore irremplacés. Guizot présida la Société de 1866 à sa mort.
Mais, malgré ces beaux efforts, la S.H.F. était limitée par ses faibles ressources et la situation bénévole de ses membres et collaborateurs. Guizot jugea, et en convainquit Louis-Philippe puis les parlementaires, que l’impulsion devait venir d’en haut, et mobiliser les moyens de l’État. Dès novembre 1833, il demandait aux préfets de faire rechercher dans les bibliothèques publiques et les archives départementales et communales « les manuscrits qui ont rapport à notre histoire nationale ». Par un arrêté du 18 juillet 1834 était institué auprès du ministre « un comité chargé de diriger les recherches et la publication de documents inédits relatifs à l’histoire de France. » La S.H.F., et les autres sociétés savantes, au premier chef la Société des Antiquaires de Normandie, étaient appelées à se joindre à cette démarche. Villemain, vice-président, Daunou, Mignet, Fauriel font partie des onze membres du comité qui entourent le ministre. Augustin Thierry, chargé de diriger la collection des chartes concédées aux communes et aux corporations médiévales qui sont à la source de la bourgeoisie française incarnée par le régime de Juillet, Michelet, Quinet, et aussi Eugène Sue, sont enrôlés dans l’entreprise. Des élèves de l’École des Chartes, fondée en 1821 et dont Guizot relance l’activité, sont mobilisées. Le 10 janvier 1835, le ministre crée un second comité chargé de « concourir à la recherche et à la publication de documents inédits de la littérature, de la philosophie, des sciences et des arts considérés dans leurs rapports avec l’histoire générale de la France. » Auprès de son vice-président Victor Cousin siègent, entre autres, Mérimée, Victor Hugo et Sainte-Beuve.
Lorsque Guizot quitte le ministère de l’Instruction publique, le rythme des inventaires et des publications, après un démarrage impressionnant, commence à se ralentir. Mais la Collection de documents inédits sur l’histoire de France ne s’interrompra jamais. Ainsi, pouvait écrire Guizot à Louis-Philippe, « une utile impulsion a été donnée à l’étude sérieuse du passé de notre patrie ; étude non seulement pleine d’attrait, mais propre à élever l’esprit et la moralité de la nation. » C’est que, chez Guizot, l’histoire savante était aussi un prolongement de la politique.
L’Inspection générale des monuments historiques, la Société de l’histoire de France, le comité créé en 1834 et devenu sous Jules Ferry Comité des travaux historiques et scientifiques, avec la Collection de documents inédits, existent toujours, et ont puissamment contribué à la préservation et à la connaissance du patrimoine national.